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À Venise comme à Torcello, à Burano comme à San Pietro di Volta, des hommes et des femmes vivent la folie la plus ordinaire. Certains noient leurs fantasmes dans l'eau grise de la lagune. D'autres se disent des choses étranges, sous l'oil fureteur d'un Giorgione, d'un Carpaccio ou d'un Tintoret. John Ruskin peut confondre son impossible amour de Rose La Touche, avec sa passion frénétique des pierres.
Quelquefois, le pont du Rialto jette sur le Grand Canal de quoi séquestrer l'eau sous une chaussée fantomatique, tandis qu'un fonctionnaire fait hurler sa femme de plaisir contre la plaque vitrée de sa photocopieuse. Venise réunit ces êtres, parmi lesquels un peuple, réduit à quatre énergumènes, vient finir ses jours. Impitoyablement, elle les met et les remet en vie, les livre en pâture à l'épais brouillard qui prend racine entre cuir et chair, dans les méandres tortueux de sa lagune.
Venise, rien que Venise, toute Venise.
